Une compère écrivaine m’a proposé d’aborder la technique d’écriture du “set up” & “pay off” sur mon site ! N’étant pas une experte du sujet, je lui ai proposé de contribuer elle-même en apportant ses connaissances. Ça donne cet article très abouti et intéressant, qui j’espère vous parlera ! Merci Thaïs !

technique-d'écriture

Un des défis des auteurs est d’offrir de la vraisemblance à leur univers, en particulier lorsqu’il est fantasy, qu’il ne se base pas sur notre réalité.

Pour cela, il n’existe pas qu’une seule technique d’écriture ! Cela peut par exemple passer par des descriptions précises qui seront très efficaces. Mais il faut faire attention à un piège : le Deus ex Machina, littéralement du grec « le dieu sorti de la machine ».

Le Deus ex Machina

Cette expression, héritée du théâtre antique, décrivait alors une véritable machine qui permettait à un acteur, incarnant une divinité, d’apparaître en haut de la scène et d’y descendre pour venir en aide aux mortels.
Aujourd’hui, le terme désigne une solution miracle sortie de nulle part sans laquelle les protagonistes n’auraient pas pu s’en sortir.

Si cette technique d’écriture peut permettre les retournements de situation, elle peut tout de même remettre en question la vraisemblance de l’univers dans lequel l’auteur vous a embarqué, surtout si elle est mal amenée ou que cela paraît « trop gros » !

Les Deux ex Machina deviennent alors une sorte de “Ta gueule, c’est magique !” digne des plus mauvais scénarios de jeux de rôle.

Une technique d’écriture contre Deus Ex Machina : le « set up » & « pay off »

Le but de ce concept traduit par « préparations » & « payements » : annoncer clairement ou par des indices un postulat inutile sur le moment mais qui viendra soutenir la crédibilité d’une action future. Il peut s’agir de l’existence d’un lieu ou d’une technologie, du pouvoir d’un personnage ou d’un objet, d’une règle générale de l’univers…

Un mauvais exemple

  • LinksTheSun en parlait lors de sa critique du film Les nouvelles aventures d’Aladin d’Arthur Benzaquen, avec Kev Adams.
    Dans cette version, le personnage d’Aladin propose ses vœux puis se fait réfuter par le génie qui lui explique alors les règles de sa magie (il n’assassine personne, ne fait pas tomber amoureux et ne ressuscite pas les morts). La scène est maladroite car les règles semblent presque inventées pour contrer les désirs du personnage. Alors que dans la version originale de Disney, Aladdin de Ron Clements et John Musket, le génie énonce les règles avant qu’Aladdin ne puisse choisir. Elles semblent alors plus immuables, moins inventées pour l’occasion.

De bons exemples

  • Dans Harry Potter et la Chambre des Secrets de J.K.Rowling, il est bien précisé que lors des différentes attaques du basilic, il y avait un fantôme, de l’eau, un appareil photo, tous ces éléments qui servent ensuite à expliquer pourquoi personne n’est mort même en ayant croisé le regard de la créature.
  • Dans Misery de Stephen King, l’auteur pris au piège qui parvient à faire rouler son fauteuil jusqu’au salon touche un bibelot. Cela semble anodin dans le flot de description de ce qui l’entoure à ce moment-là, mais cela l’incriminera plus tard auprès de sa tortionnaire qui avait en fait piégé la pièce de fils très fins.

[Attention, l’exemple suivant est un spoil majeur de l’intrigue.]

  • Dans Un avion sans elle de Michel Bussi, dont le titre est inspiré de “Un avion sans aile” de Charlelie Couture, un bébé survit à un crash d’avion mais est réclamé par deux famille. Le “sans elle” semble se référer à la deuxième fillette absente ou être un jeu de mot avec “sans aile” justement, car tout est présenté pour le laisser croire. Pourtant ce détail se révèle beaucoup plus subtil puisqu’on apprend que le bébé n’est aucun des deux qui avait embarqué dans l’avion. Elle avait en fait été abandonnée par sa mère sur les lieux du crash, il s’agissait bien d’un “avion sans elle”.

Mettre en place cette technique d’écriture

Imaginons un récit dans lequel une troupe de mercenaires galactiques voyagent dans un vaisseau. Cet appareil est capable de se déplacer plus vite que la vitesse de la lumière mais cela consomme énormément d’énergie. Ainsi, pendant toute l’histoire, cette technologie n’est pas utilisée. On arrive alors au climax où ces mercenaires sont pourchassés par l’armée de la planète voisine et soudain… Le vaisseau passe en “hypervitesse” et le groupe de protagoniste fuit vers la liberté et la richesse.

Ici, tout dépend comment est amenée la situation. L’auteur peut choisir deux façons de faire : soit il l’utilise comme retournement de situation, soit il doit annoncer l’existence de cette “hypervitesse” avant.

Le problème avec le retournement de situation, c’est qu’il peut paraître un peu artificiel, le lecteur pourrait penser que l’auteur ne savait pas comment tirer ses héros du mauvais pas dans lequel il les avait mis et a décidé d’inventer une solution sur le tas. C’est ce sentiment d’invraisemblance, de fausseté, que le « set up » & « pay off » tente d’éviter.

Attention, les retournements de situations donnent aussi du goût à l’histoire et ne doivent pas forcément être abandonnés. Il suffit à mon avis de trouver le bon équilibre.

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Savoir poser des règles claires

Surtout s’il est magique ou évolue dans la science-fiction, l’univers doit disposer de ses propres règles. Poser ces limites en amont et les respecter est la clef de la vraisemblance !

Par exemple, un héros peut difficilement mettre le feu à toute une forêt en un seul souffle s’il n’a jusque-là fait qu’allumer des torches, à moins bien sûr que son pouvoir ne vienne de se révéler… Une explication supplémentaire sera alors nécessaire pour que ça n’arrive pas comme un cheveu sur la soupe !

De même, il peut être intéressant de parler d’un lieu ou d’un peuple avant qu’il n’apparaisse dans l’histoire. Pourquoi ne pas parler de cette communauté recluse de moines guérisseurs avant que l’héroïne ne soit empoisonnée et qu’on pense à l’y conduire ? Cela peut se faire par un clin d’œil discret, une simple occurrence dans un dialogue ou bien en une description qui en apprend plus au lecteur sur cet aspect de l’histoire.

Maintenant, si l’on veut utiliser cette technique d’écriture du « set up » & « pay off », il convient que la préparation soit discrète pour ne pas spoiler la suite. Un set up sera d’autant plus efficace qu’il sera introduit de manière naturelle sans que le lecteur n’y prête même attention. Un objet perdu dans une liste descriptive des étagères d’une échoppe, un lieu vaguement évoqué dans une légende racontée au coin d’un feu, comme dans les exemples d’Harry Potter ou de Misery.

En conclusion, la technique d’écriture du « set up » & « pay off » est un outil très efficace pour garder la confiance du lecteur qui aime être surpris mais qui apprécie aussi la vraisemblance et la cohérence du récit !

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